Finance britannique

Le secteur britannique des CGPI ouvre un nouveau chapitre de sa croissance

Ce secteur gigantesque, en perpétuel mouvement de consolidation, fait face cette année à deux défis : les retombées de la crise financière et la difficile adaptation à la nouvelle régulation du secteur.

Ils sont plus de 30.000 et se partagent un marché estimé à 6,7 milliards de livres (7,5 milliards d’Euros). Ce sont les Independent Financial Advisers (IFA), l’équivalent britannique des CGPI, une force de proposition patrimoniale incontournable de l’autre côté de la Manche : 45 % des britanniques font appel à eux. Année après année, les IFA collectent plus de 50 % de l’épargne et vendent 57 % des produits de fonds d’investissement, laissant aux banques la portion congrue. La recette ? Un cocktail subtil de tradition patrimoniale profondément ancrée, un zeste d’innovation, beaucoup d’organisation, mais aussi de régulation. Au premier coup d’œil, l’IFA anglais n’est pourtant pas si différent du CGPI français : « Dans la vie de tous les jours, il y a beaucoup de similitudes. L’IFA anglais comme le CGPI français est un intermédiaire multi produits, il va offrir à son client plusieurs types de produits : fonds d’investissement, assurance, immobilier etc.…

En revanche, au Royaume-Uni, la profession est très bien structurée. Les IFA anglais sont de ce fait beaucoup plus performants en qualité de services à leurs clients que peuvent l’être les CGPI français », souligne Vincent J.Derruder, Secrétaire Général de la Fédération Européenne des Conseils et Intermédiaires Financiers (FECIF).

 

DE GRANDS GROUPES COTES

 

Il est bien vrai qu’outre Manche, la profession qui a émergé d’une tradition de courtier, très liée aux performances des investissements et centrée sur une clientèle aisée ainsi que sur les institutionnels, a été radicalement transformée ces dernières années. Originellement dispersé, avec un grand nombre de petits agents, le secteur s’est très rapidement réorganisé en réseaux, particulièrement depuis le début de la décennie. De grands groupes d’IFA cotés en bourse, tels Millfield ou Lighthouse, ont littéralement absorbé des douzaines de petits conseillers indépendants. Souvent, ces derniers, au bord de la faillite ou tout simplement incapables de trouver les capitaux nécessaires à leur développement, de plus en plus attirés par la réputation et les moyens d’une grand marque d’IFA, n’ont été que trop heureux de joindre un groupe ayant pignon sur rue. Un grand nombre d’entre eux ont d’ailleurs conservé leur indépendance, bénéficiant de l’appartenance à un groupe pour certains services administratifs, le back office, la sélection des produits et aussi les règles de conformité à la régulation. Huit grandes plateformes de fonds pour placements financiers se partagent de leur côté un trafic croissant, en dépit des défauts d’un système encore en développement : « Aucune plateforme ne répond à tous les besoins des IFA et toutes ont des problèmes pour gérer l’interface entre différentes institutions, ce qui est un problème pour gérer l’historique de la clientèle : les systèmes informatiques de ces institutions refusent de communiquer avec les plateformes », relève Malcom Streatfield, Directeur général de Lighthouse. Rien d’étonnant à ce que les grands groupes regardent avec intérêt les possibilités d’acquérir ou d’entrer eux mêmes dans le capital d’une plateforme. D’autres s’intéressent à la création de plateformes à l’intention des investisseurs directs. Il en résulte aujourd’hui un paysage très mouvant mais dont les acteurs savent reconnaître leur avantage à se regrouper pour faire entendre leur voix au sein de l’AIFA (Association of Financial Advisers) représentant plus de 85 % d’entre eux.

 

UNE MEILLEURE FORMATION

 

L’enjeu est primordial, puisque il s’agit du dialogue constant qu’entretient le secteur avec son autorité régulatrice, la Financial Services Authorities (FSA). Pour exercer, un IFA doit en effet être enregistré auprès de la FSA et posséder un niveau de qualification minimal, le Certificate in Financial Planning (CFP) qui comprend un examen complémentaire basé sur le conseil financier et le risque. Deux paliers intermédiaires, « Diploma in advanced Planning » and « advanced Diploma in advanced Planning » mènent à la plus haute qualification, celle de “Certified financial planner » (CFP) que possèdent seulement 2.000 IFA au Royaume-Uni. Depuis les années 80, la main mise de l’autorité régulatrice sur le secteur ne s’est jamais démentie. A cette époque, la législation offrait à la clientèle le choix entre un conseiller lié à un fournisseur de produits financiers et un véritable conseiller indépendant offrant toute la variété de produits disponible sur le marché. Depuis 2005, la FSA a imposé un système à trois niveaux distincts (le conseiller associé à une seule banque ou assureur, le conseiller lié à plusieurs sociétés financières et le conseiller proposant la totalité des produits financiers). Il y a deux ans, des pourparlers ont été engagés pour négocier de nouveaux standards pour tout le secteur. Il s’agit de la « Retail Distribution Review » (RDR) dont la version définitive est attendue en juin. En clair, estime Carolyn Gowen, l’une de trois partenaires du cabinet d’IFA Bloomsbury, « la RDR va changer le futur de tout le secteur ». La FSA s’est en effet attaqué à trois domaines clé pour le conseiller britannique : le premier qui ne fait guère débat, en ces temps de complexité croissante des produits financiers, concerne la qualification des conseillers et l’exigence qu’ils accèdent au niveau supérieur de formation sanctionné par le Diploma in advanced Planning d’ici à 2012.

 

LE DEBAT DE LA REMUNERATION

 

Mais ce sont surtout les nouvelles exigences en fonds propres et la décision de la FSA de supprimer le système binaire (fixe et commission) pour passer à une rémunération fixe qui suscitent beaucoup de controverses. La première mesure ajoute une forte contrainte financière au secteur, la deuxième vise à couper définitivement le lien entre les IFA et les sociétés qui fournissent les produits, y compris les banques pour les prêts immobiliers :

« pour être un IFA en 2009, vous devez déjà être passé par un long processus de qualification, vous devez avoir suffisamment de fonds propres et la question de la rémunération doit être clarifiée en accord avec le client. Dans ce genre d’environnement, il est impossible de placer des produits pour gonfler les commissions et si cela arrive, c’est immédiatement exposé », relativise Malcom Streatfield de Lighthouse.

« Les banques, les compagnies d’assurances, mais aussi la majorité des IFA travaillent à la commission et la FSA essaie d’éduquer le public à l’idée qu’il vaut mieux payer pour un conseil qui ne débouche pas nécessairement sur l’achat d’un produit financier », insiste Carolyn Gowen. Le problème est que jusque là, le conseil en rémunération fixe a semblé plutôt cher – en moyenne 168 Euros et jusqu’à 280 Euros de l’heure. Nombreux observateurs craignent donc que les exigences plus élevées de fonds propres et le passage à l’unique rémunération fixe n’aient raison des plus petits cabinets. Pas sûr, répond Martin Bamford, l’un des deux associés de Informed Choice, un petits IFA du Surrey, « les petits IFA survivent et prospèrent parce qu’ils sont proches de leurs clients, un degré de confiance plus élevé que ne peuvent entretenir les grandes sociétés ». La crise va ajouter à l’incertitude : l’épargne britannique connaît actuellement un fort mouvement de décollecte et alors que les IFA dérivaient jusqu’à 40 % de leurs revenus du conseil immobilier, le marché du crédit immobilier est en plein repli. En revanche, les IFA peuvent espérer des retombées positive de l’image ternie des banques. Les fortunes privées risquent de devenir plus regardantes sur les investissements risqués. Et en ce qui concerne l’investisseur moyen, note déjà Martin Bamford, « les consommateurs ne font plus confiance aux grandes banques pour le conseil financier ». L.S.