Nairobi High tech

Une infrastructure de télécommunications de haute volée couplée à des équipements d’énergie ou de transports à la traîne. C’est l’étonnant paradoxe africain qui s’est dessiné ces dernières années dans les métropoles du continent. A Nairobi, capitale du Kenya et royaume de l’opérateur mobile Safaricom, 70 % de la population utilise le système de paiement mobile M-Pesa pour des transactions financières et un nombre grandissant de développeurs se demandent comment tourner les nouvelles technologies au service des plus pauvres. Pas vraiment une utopie, mais plutôt un business très prometteur de start-ups qui s’attachent à trouver des solutions innovantes dans des secteurs aussi divers que la transparence des prix agricoles ou le partage de l’information en temps réel.

Cette transcription est issue du reportage « le iHub de Nairobi » ( Copyright People Television) diffusé à partir de fin 2013 dans l’émission Business Africa.

 

C’est dans un quartier de Nairobi un peu à l’écart de l’agitation urbaine et dans un immeuble aux occupants bien studieux que se niche un endroit unique au Kenya entièrement dédié à internet. Son nom : le ihub, ou plateforme interconnectée pour des développements informatiques liés à l’univers d’internet. Il a été conçu en 2010 pour permettre aux développeurs de se retrouver et d’échanger sur leurs idées et leurs perspectives d’avenir. Au cœur de leurs préoccupations : la croissance rapide de sociétés spécialisées dans l’internet, les start-ups.

Mark KAMAU, Responsable du pôle Laboratoire d’utilisateurs du iHub

« Nous voulons toucher le plus de personnes possible. Notre idée, c’est de développer et de promouvoir la culture de l’internet en Afrique, et spécialement dans cette partie du continent…»

Tout commence en 2007 quand l’opérateur Safaricom crée le moyen de paiement par mobile Mpesa. Il dote les développeurs kenyans d’une plateforme très performante de paiements en ligne qu’ils peuvent directement intégrer dans leurs applications. Une formidable base de transactions pour les ventes en lignes des premières start-up. Puis viennent les élections présidentielles…

Mark KAMAU, Responsable du pôle Laboratoire d’utilisateurs du iHub

 « En 2007, il y a eu les élections présidentielles au Kenya. A la proclamation des résultats, des violences ont éclaté, mais personne n’en a parlé. C’était le black out total. Au même moment, des personnes qui savaient utiliser les nouvelles technologies se rassemblaient pour construire une plateforme d’échange d’informations»

Daudi WERE, Directeur Projet Afrique, Ushahidi

« Une fois passé le choc de voir notre pays sombrer dans la violence, nous avons remarqué que plusieurs événements étaient soit couverts de manière superficielle par les grands médias et les autres organes de presse officielle, soit complètement ignorés. Ils n’en parlaient pas du tout. Nous étions un groupe de cinq personnes à ce moment là et nous avons créé ensemble une interface pour permettre à tous ceux qui possédaient des moyens techniques pour le faire de nous envoyer des infos sur ce qui se passait devant eux en temps réel et notre rôle c’était de trier et traiter ces informations pour savoir ce qui se passait en temps réel. Nous avons ensuite créé des cartes pour géolocaliser ces événements. Toutes ces informations, nous allions les archiver pour essayer de comprendre plus tard pourquoi le pays avait sombré dans cette violence.»

Ushahidi, aujourd’hui l’une des entreprises kenyanes les plus dynamiques d’internet, est née et avec elle, le besoin de créer un espace pour cette nouvelle génération d’entrepreneurs-développeurs.

Mark KAMAU, Responsable du pôle Laboratoire d’utilisateurs du iHub

« Ils se sont dit que s’ils pouvaient faire ce qu’ils avaient déjà fait en 2007, pourquoi ne pas créer un endroit où les personnes avec des idées pouvaient se rencontrer et utiliser de nouvelles technologies pour résoudre des problèmes. C’est ainsi que le ihub a vu le jour dans les années 2000. La petite équipe du début s’est agrandie et compte plus de 15 000 membres aujourd’hui.»

15.000 membres et un noyau initial qui s’est élargi pour inclure aujourd’hui un département de consultants, un département de recherche et surtout une couveuse d’entreprises qui aide les jeunes sociétés de l’Internet à trouver leurs marques dans un environnement économique de plus en plus compétitif. Lee Ibrahim et ses deux associés  ont ainsi gagné un concours pour une phase de 6 mois dans l’incubateur, ainsi qu’un financement du British Council. Ils viennent de lancer un e-store, une boutique en ligne spécialisée dans les objets d’artisanat masaï.

Lee IBRAHIM, Développeur et co-fondateur d’un e-store

«J’aime cet endroit, il est branché et très tranquille, les gens qui viennent ici sont sympathiques, vous avez des problèmes, ils peuvent vous aider. Et nous venons ici pour tisser des liens également.»

Mark KAMAU, Responsable du pôle Laboratoire d’utilisateurs du iHub

« Le problème que nous avons rencontré jusque là est la tendance à développer des technologies sans les contextualiser, sans penser aux problèmex qu’elles doivent résoudre. Le Lab est là pour développer cette culture d’utilisateurs de la technologie parmi les développeurs et la communauté.»

Une approche empirique qui peut multiplier les chances de réussite de ces entrepreneurs. L’évolution de Ushahidi est un bon indicateur de la stratégie globale des start-ups kenyanes.

Daudi WERE, Directeur Projet Afrique, Ushahidi

« Ushuaidi est basé sur le principe de l’open source. N’importe qui peut télécharger le système et l’utiliser selon ses besoins. Parmi les exemples d’utilisation les plus connus, il y a la géolocalisation des catastrophes naturelles et de crises. En ce moment, il y a une carte très performante sur la Syrie et beaucoup de cartes électorales très réussies»

Le modèle économique de ces start-ups est aussi en plein bouleversement.

Daudi WERE, Directeur Projet Afrique, Ushahidi

« Environ 50 % de notre financement vient de subventions, l’autre moitié provient des activités gérées par notre département de consultants. Nous voulons diversifier nos produits afin qu’ils soient rentables. L’objectif, c’est d’être financièrement autonomes dans les deux ans. »

 Le iHub a commencé à opérer dans les universités kenyanes pour faciliter sa relation privilégiée avec les développeurs de demain et il entretient des relations étroites avec plus d’une dizaine d’autres centres africains spécialisés dans l’informatique. Au moment même où l’accès à internet s’accroît encore : l’Afrique de l’Ouest va être à son tour reliée au reste du monde par réseau de fibre optique.  Grâce à cette conviction que les développeurs du continent ont un rôle déterminant à jouer dans l’avenir d’internet, le iHub de Nairobi pourrait être très bien placé pour doter l’Afrique de ses premiers grands succès internationaux sur le web.

JRI: Laurence Soustras